L’Abbé Gaston Courtois était très prolixe au sujet de la connaissance des enfants. Sa licence de psychologie et son intérêt pour les éducateurs « modernes » de l’époque (Maria Montessori et d’autres) l’ont même amené à écrire plusieurs ouvrages tel que « Pour réussir auprès des enfants » destiné aux éducateurs. Si de nouveaux éléments ont permis, depuis, de connaître encore mieux le fonctionnement de l’enfant, le père Courtois avait bien compris qu’il y avait en lui de l’universel et du particulier, et que chaque enfant méritait une attention particulière pour accompagner la croissance de toute sa personnalité.

L’enfant vit pleinement dans l’instant présent. Pour lui, il n’y a pas de passé et l’avenir ne le préoccupe pas. Il n’y a pas de passé, les expériences douloureuses ne marquent guère et le laissent en général aussi imprudent. De même, il n’a pas de rancune : une observation dure le fera pleurer, le chagrinera momentanément, mais il oubliera très vite. L’avenir ne le préoccupe pas : il ne voit pas les conséquences de ses actes ou de ses paroles. Il n’a pas le sens des responsabilités.

La petite fille ou le petit garçon est d’une logique sans nuances

Accaparé par la réalité du présent, il pousse jusqu’au bout la logique d’un principe, sans laisser de place pour les autres principes. Il est déconcerté par les contradictions, par la mésentente entre ses éducateurs. Il profite de la moindre fissure pour n’en faire qu’à sa tête. Il est étonné, puis révolté, contre l’injustice, le mensonge des grands. Danger des punitions collectives sans avertissement préalable. La logique facilite chez l’enfant, avec la grâce du baptême, un grand esprit de foi. « Du moment que M. l’Abbé l’a dit… ou que c’est écrit dans mon livre ou mon journal… c’est que c’est vrai. » Mais il serait terriblement déconcerté par une conduite qui ne correspondrait plus à l’affirmation. Par exemple, vous affirmez que prier c’est parler au Bon Dieu. Votre manière de prier devant l’enfant a une importance capitale pour lui donner le sens du respect dû à Dieu. 

L’enfant est plongé dans le sensible

Ses facultés intellectuelles ne sont pas encore développées. Il est réfractaire aux abstractions et aux synthèses. Son vocabulaire est restreint. Les idées ne pénètrent en lui que si elles sont enrobées dans une image ou mieux encore dans une action. Il n’apprécie donc que ce qui se voit ou ce qui touche son cœur. Un beau discours ne le touche pas, mais l’ennuie. Une histoire l’ébranle, l’intéresse. Un exemple raconté (vrai, pas inventé) a plus de prise encore. Un jeu, une scène mimée, une bonne action qu’on lui fait faire ont bien plus d’influence encore sur lui. D’où : lui faire vivre les grandes vérités plutôt que de les lui prêcher : s’il est égoïste, qu’on lui montre la souffrance d’un autre enfant en l’aidant à la soulager, il comprendra immédiatement la charité.

L’enfant est en perpétuel mouvement

Il semble qu’il n’ait pas besoin de repos, quitte à s’endormir tout d’un coup quand vient le soir. Il a besoin de remuer, de faire quelque chose avec ses bras, ses jambes, son imagination. Car la vie est chez lui exubérance. Ses muscles sont tous neufs. Il ne peut rester longtemps en place. De même son attention est limitée, il a besoin de changement, il se sature très vite. Nécessité pour l’éducateur de savoir changer d’occupation. 

Le petit d’homme demande à être pris au sérieux

Il se sent inférieur et réagit par une auto-défense inconsciente. Il veut être quelqu’un. Il est très sensible aux petits compliments comme aux reproches (les faire avec mesure et à-propos). Ne jamais le considérer comme un numéro, ou comme un « gosse » sans importance. Ne pas user de termes dédaigneux envers lui. L’enfant n’aime pas qu’on parle de lui, surtout en aparté, devant des étrangers. Il est très froissé quand on se moque de lui. Comme tout complexe d’infériorité se cherche une compensation, il éprouve intensément le besoin de se grouper avec d’autres enfants du même âge. Il est heureux chaque fois qu’on lui donne l’occasion de s’affirmer, d’exercer son savoir ou son pouvoir, de défendre ou de protéger les autres. On peut lui faire confiance et faire appel à son honneur, pourvu qu’on ne lui demande pas quelque chose au-dessus de ses forces. Un enfant qui, par esprit de contradiction mettra une mauvaise volonté évidente à obéir à un ordre général fera respecter cet ordre, si on fait appel à lui avec confiance pour cette mission. Mais il est changeant : ne pas s’étonner qu’il ait « des hauts et des bas ». On ne doit pas le tendre à l’excès en comptant toujours sur lui.

L’enfant, voyant tout à travers lui, est égocentriste

Il découvre le monde à travers lui, il s’intéresse au monde dans la mesure où le monde agit sur lui et, au fur et à mesure qu’il grandit, dans la mesure où il agit sur le monde. Manquant d’expérience, il se croit le centre du monde. Il cherche à se rendre intéressant. Des compliments maladroits peuvent le rendre orgueilleux. Céder à ses caprices peut faire de lui un tyran. Mais comme il a naturellement bon cœur, il est très facile de lui faire comprendre qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. S’il a reçu, c’est pour servir : voici une éducation à la charité. 

L’enfant est en plein devenir : il est toute potentialité.

En lui est intense le désir de grandir, de ressembler aux grands : importance des exemples donnés par les aînés. Il est comme une plante qui pousse et qui a besoin pour s’épanouir d’un rayon de soleil. Nécessité pour lui d’une atmosphère de joie, d’un climat de confiance et de bonne humeur. En lui se trouvent toutes les possibilités du bien et du mal. Il est essentiellement perfectible. Il est à l’âge où se forment les plis de pensée et les habitudes qui rendront plus facile ou plus difficile la vertu. 

Nécessité de développer chez lui une conception positive et enthousiaste de la vie. Être encourageant : montrer à l’enfant toutes les possibilités qui sont cachées en lui. Éviter de l’hypnotiser sur le mal, sur le péché, sur ses défauts. Cultiver le courage, l’esprit de sacrifice et le désir de servir au maximum à sa place, là où le Bon Dieu le veut (parabole des talents). L’enfance est l’âge où peuvent se développer au maximum les réflexes chrétiens qui influeront sur la vie entière.