C’est lors de son discours sur la Montagne que le Christ a donné au monde les clés pour la nouvelle morale qui invite les chrétiens à mettre la charité au cœur de leurs actions. Avec la formule « Bienheureux les doux », le Christ place la douceur au rang des valeurs sûres. C’est pourquoi il nous a paru intéressant de publier ici ce texte de l’Abbé Chassagne du Mouvement Cœurs vaillants et Âmes vaillantes. Puisse-t-il nourrir la recherche de ceux qui cherchent à mettre davantage de douceur dans leur vie.
Jésus, poursuivant son discours sur la montagne, dit : « Heureux ceux qui sont doux, car ils posséderont la terre » Saint Matthieu 5, 4 C’est la deuxième béatitude, un des éléments du bonheur que le Christ est venu apporter au monde, et qu’il expose dans cette page d’Evangile. Puisque Jésus dit : « Bienheureux les doux », c’est donc qu’il y a une source de joie, de bonheur dans la douceur, la bonté à l’égard des autres, dans la patience, la bienveillance, la pratique de la charité fraternelle. Grande leçon sur laquelle Jésus revient souvent dans l’Evangile, puisqu’elle constitue justement son message essentiel, son commandement, la Loi de la charité.
Qu’est-ce que la douceur ?
C’est une vertu complexe, d’une richesse inépuisable. Essayons de l’étudier à fond. La douceur n’est-elle pas :
- La BIENVEILLANCE qui dispose favorablement à l’égard du prochain
- La MANSUETUDE, la bénignité qui veulent du bien pour les autres, qui leur donnent du bien, qui cherchent à les mettre dans un climat heureux
- La CONDESCENDANCE, qui se met à l’unisson des sentiments du prochain
- L’INDULGENCE, toujours prête à pardonner les fautes d’autrui
- La MISÉRICORDE, qui rend « tendre à la misère des autres », selon le mot de Bossuet.
- La PATIENCE qui supporte avec esprit de conciliation les torts, les dommages causés par le prochain ?
La douceur n’est-elle pas l’expression de cette disposition d’âme que Jésus recommande en disant : il faut aimer le prochain comme soi-même ? Est-ce qu’elle ne nous incite pas à avoir à l’égard d’autrui les sentiments que nous avons d’instinct pour nous-mêmes ?
Faut-il tracer des limites à la douceur ?
L’enseignement de Jésus n’est-il pas absolu, catégorique, sans exceptions ?La douceur évangélique du Sermon sur la Montagne ne s’étend-elle pas à toutes les circonstances de la vie, n’englobe-t-elle pas tous les êtres humains ? Ne serait-ce pas méconnaître gravement l’intention de Jésus, défigurer sa pensée que d’établir des distinctions et d’exclure tels ou tels des procédés de la douceur chrétienne ?
Le pourquoi de cette béatitude ?
« Les doux posséderont la terre », dit Jésus. Qu’est-ce que cela signifie ? Ne faut-il pas dire, d’une manière générale, qu’être doux est une source de bonheur si riche que non seulement elle rend heureux ceux qui en sont les bénéficiaires, mais aussi ceux qui la pratiquent ? N’est-ce pas la même pensée qu’exprime cette phrase de saint Paul consignée dans les Actes des Apôtres, rapportant une parole de Jésus qu’on a appelée la neuvième Béatitude : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Actes 20-35)
Etudions les éléments de ce bonheur annoncé par Jésus aux doux ?
Posséder la terre est une locution hébraïque qui signifie obtenir l’affection, la confiance, l’estime. Les doux ne sont-ils pas spontanément entourés de sympathie ? Posséder la terre peut également signifier exercer une influence sur les volontés, les cœurs. La douceur vraie, non pas ses caricatures, la débonnaireté au sens péjoratif du mot, la faiblesse – n’est-elle pas un puissant auxiliaire de l’éducateur, de l’apôtre ? Ce peut être encore dominer les difficultés, les épreuves terrestres par la résignation et la patience. La douceur, dès lors, ne rend-elle pas plus légères les peines de cette vie mortelle ? Rapprocher le mot de La Fontaine : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». Enfin, obtenir dans le ciel la véritable terre promise, le bonheur sans mélange et sans fin, dans la possession de Dieu. La douceur, en effet, n’est-elle pas la fleur, l’expression de la charité qui ouvre le ciel ? St Matthieu XXV.
Si nous comprenions bien notre intérêt, est-ce que nous ne nous appliquerions pas à mettre dans nos vies cette douceur si bienfaisante ? Ses profits ne compensent-ils pas largement ses exigences ?
Les bienfaits de la douceur
Le but de la douceur, n’est-il pas de créer autour d’elle de la joie, de la paix ? N’avez-vous pas remarqué cette impression produite en famille par exemple, par la présence très douce de votre mère ? Au contraire, une intervention coléreuse ne crée-t-elle pas un malaise, un trouble, une souffrance ? La douceur, dès lors, ne doit-elle pas remplir certaines conditions pour atteindre vraiment son but ?
- Manifester en toutes circonstances un esprit de conciliation – Saint Matthieu V, 38-48 Tout excuser, tout espérer, tout supporter – Saint Paul 1 Corinth XIII ‘-7
- Se faire compréhensive, clairvoyante, patiente.
- Être sincère, constante, inaltérable.
Ne doit-elle pas s’ingénier à mettre en œuvre tout le potentiel de bonheur qu’elle possède ? Que pensez-vous de cette maxime connue de saint François de Sales : « On prend plus de mouches avec peu de miel qu’avec un tonneau de vinaigre ». N’est-il pas d’expérience que la douceur attire, conquiert ? Qu’on se laisse prendre à son influence ? Pourquoi ?
L’heure de la douceur
S’il est vrai qu’elle est nécessaire toujours ; n’y a-t-il pas des périodes où l’on sent plus impérieusement le besoin de sentir régner la douceur ? N’est-ce pas l’heure des chrétiens qui s’efforceront d’adoucir tant de souffrances physiques et morales en créant, en entretenant un climat de douceur fraternelle ?
Par quels moyens arriver à la douceur ?
Vous connaissez le mot de saint François de Sales qu’on félicitait d’être resté calme devant un odieux contradicteur : « J’ai mis 40 ans pour acquérir un peu de douceur, voudriez-vous que je la perde en un quart d’heure ? » Pourquoi est-elle une vertu si difficile ? N’est-ce pas parce qu’elle requiert une discipline intérieure :
- Lutte contre l’orgueil qui se cabre, s’impatiente.
- Lutte contre l’égoïsme qui se refuse à penser d’abord au prochain
- Lutte contre la dureté native de certaines natures…
Quel devra être notre programme de vie pour atteindre cette béatitude ?
Quels sont nos modèles ?
Dieu d’abord n’est-il pas le grand exemple de la bonté ? Dans l’Evangile de Matthieu (ch.5 v.38-48), Jésus demande à ses disciples d’être bon comme le père des Cieux.
Jésus, Dieu fait homme, ne se présente-t-il pas comme le modèle parfait de la douceur ? Il se définit lui-même comme « doux et humble de cœur » et « le bon pasteur », Jean-Baptiste le désigne comme « l’agneau de Dieu »… En conclusion, ne faut-il pas dire que la douceur qui s’exprime sous l’aspect d’un sourire pacifiant, d’une possession de soi pleine de sérénité est au fond une vertu qui exige une grande force ? La douceur n’est-elle pas la preuve d’un courage généreux qui ira parfois jusqu’à l’héroïsme ?