Ce très beau texte est extrait de l’opuscule « L’action féconde », un recueil de textes qui s’adressait aux responsables Âmes vaillantes qui avait pour mission l’éducation des jeunes filles qui leur étaient confiées. Aimer les enfants, c’est les connaître et les comprendre. Et c’est aussi chercher à répondre aux besoins affectifs des jeunes personnes qui nous sont confiés. Une chose essentielle, selon Frère Benjamin, un salésien de Don Bosco selon qui « Donner de l’affection, c’est une chose très délicate, mais ce serait dommage d’y renoncer. »
« Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jean 15:13)
Que de fois vous avez médité cette parole qui vous fait revivre avec émotion la « grande preuve d’Amour » que Dieu nous a donnée. La meilleure preuve que vous aussi vous aimez vos enfants, c’est que vous leur avez consacré votre vie, et que cette vie, vous la leur donnez goutte à goutte, tous les jours, bien disposée d’ailleurs, s’il le fallait pour les sauver, à la donner comme Jésus et en union avec Lui, d’un seul coup et sans réserve. Voulez-vous cependant que nous essayions d’analyser tout ce qu’il y a de caché et de profond dans ce simple petit mot d’ordre : « aimer les enfants ».
1° Aimer les enfants, c’est d’abord les connaître
Vous avez souvent médité la touchante parabole du Bon Pasteur, et vous vous êtes arrêté longuement sur cette affirmation qui révèle toute la délicatesse du cœur de Jésus : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. » Il ne les connaît pas seulement en général, mais chacune d’elles en particulier, « vocal nominatim ». Il les connaît chacune, une à une, par leur nom, oh pas seulement par leur nom de famille ni même par leur prénom de baptême mais surtout par leur nom d’âme.
Vous aussi, vous devez essayer de connaître vos enfants par leur nom d’âme !
Dieu n’a pas créé les âmes en série. Pas plus que deux feuilles dans la forêt, il n’existe deux âmes identiques. Aussi le premier devoir de l’éducateur qui eut aimer les enfants sincèrement est-il de se pencher sur eux avec une attention faite de sympathie et de respect, pour les “ausculter” et essayer de comprendre leur vivante complexité.
2°Aimer les enfants, c’est aussi les comprendre, à un âge où tout en eux est soumis à un rapide développement.
Les comprendre, c’est essayer, pour être en mesure de mieux les juger, de remonter par le souvenir à ce qui vous agréait lorsque vous étiez petit, en prenant garde toutefois que le temps a marché depuis, et le milieu qui les environne aujourd’hui n’est vraisemblablement pas le même que celui qui fut vôtre. Les comprendre, c’est savoir discerner l’instant providentiel où votre intervention sera bienfaisante ; c’est savoir également choisir la forme d’intervention qui convient à celle-ci plutôt qu’à celui-là. L’une attend une parole de confort, l’autre un compatissant silence ; celle-ci veut être tirée en avant, celui-là soutenue sans presque s’en douter. Les comprendre, c’est tenir compte des possibilités de chacun, et savoir que, si un reproche maternel peut stimuler celle-ci, il y a pour celle-là des efforts momentanément au-dessus de ses forces.
Les connaître et les comprendre, c’est essentiel mais cela ne suffit pas pour bien aimer les enfants
N’avez-vous pas constaté combien de fautes, de vies gâchées, ont eu, à l’origine, un besoin affectif normal, légitime, et … inassouvi : mère trop froide, ou absente, inattentive aux premiers élans d’une sensibilité en éveil. La jeune personne incomprise s’est jetée alors sur la première tendresse, vraie ou fausse, qui s’est offerte à elle. Ne renouvelez pas l’erreur : pas d’attitude rigide, d’intervention froide, de « bons procédés » glacials. Donnez à vos jeunes filles et jeunes garçons toute la tendresse dont ils ont besoin, une chaude tendresse maternelle, très attentive et très délicate.
3° Fêter d’une manière ou d’une autre les dates chères qui leur sont chères
En pleine guerre mondiale, le R. P. Lenoir trouvait le temps de s’associer aux souvenirs que tels ou tels anniversaires rappelaient à certains de ses marsouins : le deuil de celui-ci, la joie de celui-là … et, à cet autre, il écrivait une longue lettre en l’honneur de sa fête ! Sachez, à cet exemple, faire dans vos vies, si occupées soient-elles, une place aux « petites attentions », qui font merveille pour aimer les enfants. Cela ne réclame guère, d’ailleurs, qu’un peu de méthode : inscrire les dates chères à tel ou telle, et, le jour venu, rappeler d’un mot, d’un minime souvenir, qu’on « veille avec lui ou elle ». Il n’en faut pas plus, quelquefois, pour bouleverser et conquérir une âme rebelle ! C’est aussi en les enveloppant d’affection que vous pourrez faire passer les plus sévères reproches : « Je vous aime trop pour ne pas vous dire telle vérité ». N’en doutez pas, les jeunes perçoivent nettement la mesure dans laquelle leurs âmes vous sont chères, et que ce n’est pas pour rire que vous les aimez !
Aimez-les toutes sans exception, même celles qui ne vous sont pas sympathiques !
A côté de l’enfant gentil, aimable, affectueux, qu’on ne peut pas ne pas aimer et qu’il y a plaisir à aimer, il y a l’enfant de caractère froid et méfiant, et qui semble incapable d’un retour d’affection. Si vous n’aimiez que ceux et celles qui sont « aimables », vous n’accompliriez pas votre devoir, ce serait votre satisfaction que vous rechercheriez, et, de plus, vous commettez une injustice. Les enfants affligés de pénibles défauts ont plus que les autres besoin d’être l’objet de votre solitude, et d’être soutenus contre leur faiblesse par une fermeté toujours affectueuse. Qui sait si telle qui, aujourd’hui, vous donne du « fil à ordre », ne sera pas plus tard, par sa fidélité, l’un des plus beaux fleurons de votre couronne ?
Où puiserez-vous le secret de cette patience à aimer les enfants, cet amour que rien ne décourage ?
C’est sans aucun doute auprès de Celui qui s’est fait Hostie par amour pour nous. Oh ! Il les aime tous, Lui, quels que soient leurs défauts, quelles que soient leurs misères. Communiez à l’Amour de Jésus pour chacun d’eux. Aimez-les du même Amour dont Jésus les aime, et alors, aucun effort, aucune fatigue, aucun sacrifice ne vous arrêtera car, selon la belle parole presque intraduisible de saint Augustin : « Ubi amor, non laboratur, aut si labor, labor amatur. » Là où il y a de l’amour ; il n’y a pas d’effort à faire, ou, si l’effort est demandé, cet effort lui-même est aimé.