Les Fils de la Charité ont été fondés le 25 décembre 1918, peu de temps après la fin de la première guerre mondiale. Le Père Pierre Tritz, ancien supérieur général des Fils de la Charité, nous parle du contexte dans lequel sa congrégation est née et comment l’intuition du Père Gaston Courtois a germé.
Pourquoi le Père Jean-Emile Anizan a-t-il fondé une nouvelle congrégation ?
Père Pierre Tritz (photo ci-contre) : “Notre fondateur, Jean-Emile Anizan, est né en 1853, à Artenay dans le Loiret. Il a fondé les Fils de la Charité en 1918, après un parcours singulier puisqu’il était jusque-là religieux depuis 1886 d’une autre congrégation, les Frères de Saint-Vincent-de-Paul… Son objectif était de rassembler des prêtres religieux qui évangélisent les quartiers populaires des grandes villes. De graves incompréhensions finiront par exclure et condamner le Père Anizan. Elles n’empêcheront pas le pape Benoit XV, pape depuis 1914, d’approuver la fondation des Fils de la Charité et d’en choisir lui-même le nom en 1918.”
Les Fils de la Charité au service des pauvres et des milieux populaires
Gaston Courtois écrira plus tard : « [Les fils de la charité] était un ordre religieux voué spécifiquement à l’action paroissiale en milieu populaire et insérant aussi profondément que possible ses fils dans la trame du clergé diocésain, cela n’existait pas. » Il raconte encore : « Sauver une âme, c’est bien, disait le Père Anizan, sauver une chrétienté, c’est mieux, car c’est assurer le salut de milliers d’âmes. Pour cela, il faut des paroisses où des prêtres très unis à Dieu soient en même temps très unis entre eux. Alors la paroisse devient irrésistible. ». Le père Anizan n’était pas un révolutionnaire à proprement parler mais il était révolutionnaire dans la manière de faire des œuvres sociales. »
Le Père Courtois avait une forte personnalité, sans doute nécessaire pour conduire avec tant de volonté le projet des Cœurs vaillants, pourriez-vous nous décrire le personnage ?
P. P.-T. : « Lorsque je suis rentré chez les Fils de la Charité, je connaissais depuis mon enfance la revue Cœurs vaillants que j’attendais avec impatience et qui était vendue sur le parvis de l’église. J’ai prononcé mes vœux en septembre 1977 et ordonné prêtre en avril 1978. J’ai alors connu le père Jean Pihan, un Fils de la Charité plus jeune que Gaston Courtois mais qui en avait été un assistant et son successeur à la tête des CV-AV. Il était à l’époque archiviste et parlait beaucoup de ce mouvement de jeunesse. Au sein même de notre congrégation, les anciens connaissaient peu Gaston Courtois et sans trop de liens avec lui. A sa mort, il était à Rome car il était devenu procureur général de la Congrégation des Fils de la Charité, avec un rayonnement important. Ce n’est que depuis deux ou trois ans qu’un travail d’archives au sein de la Communauté a permis de mieux connaître l’histoire du Père Courtois et des Cœurs vaillants.
Gaston Courtois a rejoint les Fils de la Charité en 1921
Appelé au Front lors de la Première guerre mondiale, le Père Courtois a été démobilisé en 1917 suite à une blessure. Il raconte comment il a été épargné de la mort qu’ont connue tant de soldats : « Nous aurions pu, et même logiquement nous aurions dû, être tués comme tant de camarades tombés à nos côtés. Nous étions des morts en sursis. Alors quel meilleur usage des années qui nous restaient à passer sur terre que de les consacrer à Dieu ? » Après cela, il suit des études de lettres et de psychologie à la Sorbonne et à l’Institut catholique de Paris. Soucieux d’agir en faveur des milieux populaires, il se rapproche du Père Jean-Émile Anizan, fondateur des Fils de la Charité, et débute son noviciat en 1921, après être entré au séminaire Saint-Sulpice d’Issy-les-Moulineaux en 1919. Ses premières années de ministère, Gaston Courtois va les vivre en paroisse et en communauté. Il exerce son premier ministère à Notre-Dame-de-l’Espérance, dans le 12e. Puis il sera vicaire à Gentilly avant de rejoindre l’Union des Œuvres en 1929 pour poursuivre l’élan missionnaire du fondateur des Fils de la Charité.
Le Fils de la Charité Gaston Courtois a eu, toute sa vie, une activité débordante.
Le fonds d’archives laisse entrevoir l’activité abondante voire hors normes du Père Courtois : création de journaux (Omnis terra ; Family digest qui deviendra Panorama, Cœurs Vaillants et Âmes vaillantes, la collection Belles histoires, belles vies), formation de nombreux responsables, création de mouvements toujours existants comme le BICE et le MIDADE. Ses écrits révèlent que son ambition était de “sortir les enfants de la rue ou plutôt du ruisseau” et “leur créer à l’ombre de l’Eglise une sorte de foyer où ils se retrouveront à leurs heures de liberté et dont le prêtre de l’œuvre sera le Père, les Directeurs laïques, les frères aînés, qui par l’exemple et la parole, pourront exercer sur leurs frères plus jeunes ” (extrait du Manuel des directeurs du Patronage Saint-Gervais.) »
Dans quelle mesure son intuition de rassembler la jeunesse de France dans les Cœurs vaillants s’inscrivait-elle dans celle des Fils de la Charité ?
Père Pierre Tritz : « Toute l’intuition des Cœurs vaillants est étroitement liée à celle des Fils de la Charité. Le père Anizan lui-même a été responsable au patronage de Sainte-Anne-de-Charonne à Paris de 1887 à 1894. Dans ces années, les gens venaient dans le quartier de partout en France pour chercher du travail. Au patronage, ils trouvaient de nombreuses activités et notre fondateur avait mis en place pour eux la première messe célébrée en fin de matinée. Aujourd’hui nous dirions que c’était une manière de répondre aux périphéries ! Notre congrégation se retrouve très bien dans les paroles du pape François demandant que l’Eglise soit entièrement missionnaire. Et comme le père Courtois l’écrivit : « L’élément déterminant qui m’a orienté vers les Fils de la Charité a été, semble-t-il, tout bonnement le désir d’être religieux sans avoir à quitter la perspective d’un apostolat paroissial dans un milieu populaire. » »