L’Abbé Gaston Courtois a été un auteur prolixe. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage destiné aux parents intitulé « L’art d’élever des enfants aujourd’hui ». « Ce qui était vrai hier, reste également vrai aujourd’hui. » a dit le pape Benoit XVI dans un discours en 2008. Depuis les années 1940, les temps ont changé mais les besoins fondamentaux des enfants restent les mêmes. C’est pourquoi il nous a paru intéressant de publier le chapitre de cet ouvrage intitulé « L’éducation de la conscience ».
Il n’y a éducation vraie que là où il y a éducation de la liberté, et donc éducation de la conscience.
Pratiquement, pour le petit enfant, bien et mal sont ce que ses parents appellent ainsi. On se rend compte du danger que représente alors l’arbitraire, l’exagération ou les erreurs d’appréciation. Les parents, jusqu’à ce que l’enfant soit en âge d’avoir une conception personnelle de la vie morale et de ses exigences, sont comme la conscience vivante de l’enfant. En ce sens, ils tiennent vraiment la place de Dieu. Grandeur et responsabilité ! Car toute erreur d’aiguillage ou toute fausse manœuvre amènera plus tard des déréglages dans le mécanisme de la conscience et sera une des causes cachées de bien des dérèglements.
Les parents ou la conscience vivante de l’enfant
Les parents, jusqu’à ce que l’enfant soit en âge d’avoir une conception personnelle de la vie morale et de ses exigences, sont comme la conscience vivante de l’enfant. En ce sens, ils tiennent vraiment la place de Dieu. Grandeur et responsabilité ! Car toute erreur d’aiguillage ou toute fausse manœuvre amènera plus tard des déréglages dans le mécanisme de la conscience et sera une des causes cachées de bien des dérèglements. Tous les jugements de valeur émis par les parents, surtout si ces jugements sont fréquemment répétés, confirmés par des exemples et des sanctions, s’inscrivent bon gré mal gré dans la conscience profonde de l’enfant et jusque dans ses muscles.
La vie courante : des occasions de former des jugements droits
Il faut donner aux enfants, non seulement la connaissance du bien, mais le goût du bien. La vertu qui n’est que vertu froide risque bien de lasser par son austérité même ; quand elle se pare de beauté, elle emplit l’âme d’une joie qui stimule, entraîne et épanouit. Ne dites donc pas seulement : « C’est bien », « C’est mal », mais : « C’est beau », ou « C’est laid ». « C’est à propos de tout et de rien que s’éveille et se forme la conscience. Si cet éveil n’est pas dirigé, il se fera souvent à contresens. Apprendre à l’enfant à juger d’après des principes sains, d’après des vues de foi, est le meilleur moyen d’asseoir sa vie religieuse sur des bases solides » écrivait Mgr de BAZELAIRE, Archevêque de Chambéry, dans une lettre Pastorale de 1951.
Distinguer la loi morale de l’autorité
« Il faudra du temps avant que la loi morale se découvre à l’enfant comme distincte de l’autorité. Ce qui aidera le plus à cette découverte ce sera de remarquer que les parents eux-mêmes se soumettent aux prescriptions de cette loi morale. Le jour où l’enfant aura compris cela, l’autorité ne sera plus à ses yeux la raison déterminante du bien et du mal : sa conscience morale aura réalisé une grande étape » écrivait Stanislas de LESTAPIS dans Pour une école des parents. De lui-même, l’enfant a tendance à juger de la valeur morale d’un acte d’après son aspect extérieur et son résultat moral.
La moralité d’un acte réside en premier lieu dans l’intention
Pour former sa conscience, il faut l’amener à remonter jusqu’à l’intention, car c’est en elle, bien plus que dans le geste ou les conséquences, que réside la moralité d’un acte. « Tu as cassé cette tasse, pourquoi ? par maladresse ? par étourderie ? par colère ? par vengeance ? … – Tu as dénoncé ce camarade qui copiait en classe, pourquoi ? par méchanceté ? pour jouir de le voir puni ? parce qu’il n’était pas ton ami ? par amour de la justice ? pour que les compositions ne soient pas faussées ? pour qu’il ne recommence pas ? … – Tu as menti, pourquoi ? pour plaisanter ? pour t’excuser ? pour éviter une punition ? pour te faire valoir ? … – Tu as désobéi, pourquoi ? parce que tu n’as pas entendu ? parce que tu n’as pas compris ce qu’on te demandait ? parce que tu te crois plus malin que les autres ? parce que tu te trouves trop grand pour obéir ? parce qu’on te demandait quelque chose de trop difficile ? » etc.
« Fais-moi plaisir » n’est pas un mobile suffisant
Il convient de ne pas donner à l’enfant comme mobile unique d’action : « Fais-moi plaisir. » L’enfant voit bien s’il fait plaisir ou non à ceux qu’il aime, lesquels sont en droit de lui montrer s’ils sont ou non contents de lui. Mais il y a un écueil à éviter, ce serait de lui laisser croire que le seul principe moral, c’est de se faire bien voir. On risquerait également d’en faire l’esclave de l’opinion. Il faut, au contraire, que l’enfant acquière une conscience assez formée pour ne pas confondre ce qui est bien et ce qui est approuvé.
L’éducation a pour but d’éveiller le sens de la responsabilité
Selon l’Abbé VIOLLET, dans un article La Crise de l’Autorité publié dans la revue Éducation (1940) : « Les interventions de l’éducateur doivent être telles qu’elles aient toujours pour conséquence d’éveiller chez l’enfant le sens de la responsabilité et de la conscience personnelle. C’est qu’en effet, un jour viendra où l’influence de l’éducateur devra être remplacée par le sentiment du devoir. Il faudra que la loi morale, qui était en quelque sorte extérieure à I’enfant et lui était imposée par la volonté de l’éducateur, lui devienne intérieure et n’ait d’autres sanctions que celles de sa conscience. » Pour former peu à peu la conscience de l’enfant, il faut juger devant lui et avec lui les actions dont on est le témoin ou que l’on rencontre au hasard d’une lecture : « Ce garçon qui s’est battu avec un de ses camarades a-t-il bien ou mal fait ? Pourquoi ? Qu’aurais-tu fait à sa place ? »
Le soir venu, proposer à l’enfant de réfléchir aux bonnes choses comme aux mauvaises de sa journée, et de prendre une résolution
Le soir, lui suggérer de faire un examen de conscience et au besoin l’y aider, en évitant toutefois de ne voir que les aspects négatifs de sa journée. Ne pas manquer de l’amener à prendre une résolution pour le lendemain. Le soir est un moment particulièrement favorable où l’âme plus détendue s’offre plus volontiers à l’analyse d’elle-même. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, il faut l’aider à se forger un idéal, à trouver une devise, à choisir un point d’effort, à prendre conscience de ses responsabilités. Peu à peu, le laisser libre de prendre lui-même ses décisions, quitte à les lui suggérer par des phrases comme celle-ci : « Si j’étais à ta place, il me semble que je ferais ainsi … »
Démontrer les sophismes présents dans certaines expressions courantes
N’ayons pas d’illusion : nos enfants vivent actuellement dans un monde pénétré d’idées fausses et de maximes douteuses. Ne pas craindre par conséquent de démontrer le sophisme de slogans pernicieux comme : « Il faut que jeunesse se passe. – Œil pour œil, dent pour dent. – Il vaut mieux être voleur que volé. – Le succès appartient aux débrouillards. – On en fait toujours assez pour ce que l’on gagne. » Il va sans dire que les parents se doivent également d’éviter toute contradiction entre les conseils qu’ils donnent et les actes qu’ils demandent. Pour former des hommes de conscience, il convient de faire appel à la conscience de l’enfant et de la prendre au sérieux.
Prendre au sérieux la conscience de l’enfant
« Il est possible de briser une volonté comme on brise un ressort ; il est possible également de produire une éclipse de la conscience ou même d’éteindre à jamais sa Iumière bienfaisante et cela en substituant à la conscience personnelle de l’enfant une conscience tout extérieure. C’est à ce fâcheux résultat que l’on risque d’arriver par une surveillance trop méticuleuse qui, se faisant fort de tout voir et de tout savoir, rend inutile la conscience propre de l’enfant ; or, une faculté inemployée ne tarde pas à s’atrophier. C’est donc une action malfaisante parce que destructrice, en définitive. Et puis, c’est un jeu bien dangereux, car la psychologie la plus élémentaire nous apprend que l’enfant fera peu de cas de sa conscience s’il s’aperçoit que ses parents et ses maîtres n’en font eux-mêmes nul cas ; il ne se soucie point du tout d’être consciencieux lorsqu’il constate que sa conscience est considérée comme une quantité négligeable » (KIEFFER)