La connaissance de soi est un sujet dans l’air du temps. Sans doute à raison, car pour savoir où aller, il est intéressant de savoir qu’il l’on est. En effet, dans une vision chrétienne, Dieu a créé chaque personne avec des talents et une personnalité faisant d’elle un être unique et inimitable. Bien connaître les enfants est nécessaire à l’éducateur qui entend mener sa mission à bien.
Pour meubler une maison, il ne suffit pas d’avoir des meubles, il faut avoir la clé de la maison ? Pour former l’enfant, il ne suffit pas d’arriver avec tout un bagage de notions, toute une science, et des jeux, et des histoires, et du catéchisme ! Il faut d’abord connaître les enfants. Ou plus précisément, les connaître – en général – et puis connaître chacun dont on s’occupe en particulier.
L’enfant n’est pas un homme en réduction
L’enfant doit faire l’objet d’une science spéciale. On se tromperait fort en faisant de lui un homme en réduction, un adulte de type réduit dont les fonctions mentales sont simplement moins développées, moins vigoureuses, gênées par le manque d’expérience et l’insuffisance des connaissances. Certaine éducation a pu chercher à développer et à exalter en l’enfant ce qui déjà se faisait « un petit homme » : les bonnes manières, les conversations sérieuses, et certains parents se réjouissent, sans y soupçonner le moindre danger, lorsque leurs enfants manifestent de la précocité.
Des malentendus sur ce que sont les enfants ont pu être tragique
Bien souvent, d’ailleurs, cette précocité est surfaite, artificielle. Comme on l’a montré : « Le petit homme, la petite femme peuvent répéter purement et simplement des paroles entendues, imiter certaines actions tout en conservant une attitude mentale très sensiblement différente de celle des grandes personnes qui croisent se reconnaître en eux. » (A.Millot) Des éducateurs comme Maria Montessori ont montré combien les adultes s’abusaient sur ce qui se passe véritablement au fond des âmes d’enfants, et quels malentendus, parfois tragiques, en résultent.
Nous allons passer ici en revue quelques-unes des caractéristiques principales de la psychologie enfantine.
Ces notes brèves seront surtout comme une base de départ pour des recherches plus poussées sur chacun des points notés. D’autant plus qu’il n’existe pas d’enfant « en général », d’un seul type, mais différents types plus ou moins marqués et qui n’existent d’ailleurs que nuancés à l’infini par les caractéristiques individuelles.
Et puis – autre sujet de mise au point – , il est en développement continu. Il ne devient pas adulte un beau jour. Il est en perpétuel devenir et dans ce devenir il faudrait encore distinguer comme des phases, phases successives de stabilité et de déséquilibre, de suggestibilité et de résistance, phases qui sous le continu de la durée – jour après jour l’enfant ne semble pas changer – sont pourtant, lorsqu’on les regarde de plus loin, discontinues et en apparence inconciliables.
Comme la croissance physique n’est pas constante, la croissance intérieure ne l’est pas non plus.
A vrai dire, on ne saurait même pas parler de croissance, de « quelque chose comme une différence de hauteur ou de volume ». Non, à chaque âge correspond un « autrement », une structure mentale particulière, une physionomie nouvelle : aux grands tournants qui marquent ces étapes correspond – en gros et tant bien que mal – l’articulation en sections de nos patronages d’écoliers (les « Légions » du Mouvement Cœurs vaillants ») : cela aussi, l’éducateur doit le connaître, ce phénomène de mue ne doit pas le surprendre.
Enfin, les origines géographiques (même les différences régionales : du Nord au Midi on n’est pas semblable), et les facteurs sociaux, le milieu et la profession, apportent encore leurs correctifs particuliers et compliquent la tâche de quiconque veut vraiment « connaître l’enfant ».
L’enfant est un être neuf
Chez une jeune personne, rien n’est émoussé. Toutes les résonnances sont intactes. L’adulte est habitué à la vie, très peu de choses sont pour lui des événements. Il faut de l’extraordinaire pour briser sa cuirasse d’indifférence.
Pour l’enfant, il n’y a pas de choses insignifiantes. Il pose des tas de questions, il va d’étonnement en étonnement. Tout a un sens, tout lui paraît important, même des petites choses que les grandes personnes jugent insignifiantes : une place dans les rangs, un brin de laine de couleur, un détail d’une histoire.
Chez lui, les sentiments revêtent une grande intensité : gros chagrins, grandes joies causées par des petits riens. Joie intense d’un enfant pour un mot aimable, une marque de confiance. Chagrin intense pour un mot dur. Ces impressions sont aussi passagères qu’elles sont vives.
Une conséquence de ceci, c’est que l’enfant est très influençable.
Il est comme une cire molle que le sculpteur modèle. D’où l’influence facile des bons et des mauvais camarades, surtout des plus grands : « faire comme les grands » est un des principaux motifs d’action pour l’enfant. Une autre conséquence, c’est que l’inhibition de l’enfant est restreinte. Il agira tout de suite, comme il a vu faire, sans réfléchir. Il est très difficile par exemple d’obtenir de lui qu’il surmonte le jugement collectif de ses camarades ; généralement, il suit le mouvement. Aussi, vous pouvez faire un beau discours de morale à un enfant, il sera peut-être parfaitement convaincu que vous avez raison, mas il n’en restera plus grand chose quand il sera au milieu de la bande qui lui dira ironiquement : « Qu’est-ce qu’il t’a dit ? »
Amener l’enfant à exprimer un engagement devant les autres
Au contraire, quand on compromet un enfant devant tout le monde (promesse solennelle, investiture de chef, acte de confiance public, jugement exprimé par l’enfant devant une assemblée) cela facilitera la tenue de son engagement.