la séance d'avis au patronage

La séance d’avis est une étape importante dans la pédagogie des Cœurs vaillants. Une vie de famille comme une vie de communauté nécessite l’effort de chacun pour que les relations en leur sein soient bonnes. Aujourd’hui, les clubs ou les patronages appellent cela la « relecture de la journée », un temps pour apprécier, remercier, rendre grâce et s’encourager à être meilleur. Voici un article signé par Bernard ALGAN, dirigeant national C.V. et extrait d’une des revues Educateurs publiées en 1942.

Un « debriefing » utile à améliorer la vie du patro

Le temps passe très vite au patronage et il sera bientôt l’heure pour chacun de regagner le foyer familial. Après un après-midi bien employé, l’ardeur mise au jeu empourpre encore les joues des petits gars et la joie brille dans leurs yeux. Cette joie, ce sentiment d’épanouissement qu’elle engendre, il importe de les conserver, de les développer jusqu’à l’heure de la prière, dernier acte de cet après-midi de patronage. La préparation soignée des jeux et l’entrain apporté dans leur exécution sont deux choses capitales pour le rendement de la journée puisque ce sont les jeux qui créent ce climat de joie.

Mais savoir faire jouer les enfants n’est pas tout et au moins aussi important est de savoir observer les diverses réactions des joueurs au cours de l’action et d’en tirer ensuite le plus grand parti afin de donner au jeu toute sa valeur éduca­tive.

La séance d’avis pour commenter la journée et donner au jeu toute sa valeur éducative

Ces enfants ont fait tel effort de charité, de loyauté ou au contraire un man­que d’esprit d’équipe a fait perdre tel camp, c’est au dirigeant à commenter les jeux après leur réalisation et mettre ainsi sous les yeux des petits gars des exemples concrets, vécus par eux, d’efforts fournis ou à fournir. Aussi, l’aumônier-directeur du patronage doit profiter de ces quelques heures dont il dispose chaque semaine pour réunir les enfants. A côté des jeux et des activités d’extérieur, il est donc nécessaire qu’une partie plus calme soit réservée à donner des avis, des consignes pratiques d’apostolat, de vie chrétienne à l’école, dans la rue, à la maison, des renseignements sur les prochaines activités, les concours. Enfin, l’éducateur dispose d’autres moyens puissants de formation des enfants que les jeux : les histoires, les mimes, des projections, le cinéma… qui doivent trouver leur place dans la journée de patronage. C’est à cette partie plus calme de l’après-midi que, dans la plupart des patronages, on a donné le nom de « séance d’avis ».

Son importance et sa durée

Elle découle des activités qui y seront menées. Il est par conséquent indis­pensable qu’elle se déroule de manière parfaitement organisée. Un chahut par manque d’autorité du dirigeant est capable, en effet, de détruire en quelques minutes le bon effet d’une réunion jusque-là excellente et de diminuer fortement la bonne impression des enfants au sujet de la journée. Il est difficile d’en fixer avec exactitude la durée exacte. C’est affaire de circonstances. Cependant, lorsqu’il n’y a pas de cinéma ou de projections, il semble qu’une séance d’avis d’une demi-heure à une heure est bien suffisante et que la prolonger outre mesure risquerait de fatiguer l’attention des enfants qui ne peuvent rester trop longtemps immobiles sur place.

L’organisation matérielle de la séance d’avis

Il est très important que les enfants soient placés dans des conditions suf­fisantes pour qu’ils soient « tout yeux et tout oreilles » à ce qui va se dire au cours de la séance. Des bancs mal disposés, un entassement des enfants peuvent com­promettre la séance la mieux préparée et la plus vivante.

En plein-air ou au local selon la saison

Lorsqu’en été il est possible de sortir pour aller faire de grands jeux à l’exté­rieur du patronage, il est bon de faire la séance d’avis en plein air. On choisira un endroit suffisamment ombragé et où les enfants soient assis convenablement. Toutefois, il faudra au dirigeant une habitude déjà ancienne des enfants pour parvenir à bien capter leur attention attirée par tous les mille petits bruits et mouvements de la forêt. Le plus souvent, c’est au local que se déroulera la séance d’avis. Celui-ci sera suffisamment aéré en été (les volets fermés, par période de grosse chaleur durant tout l’après-midi, permettront de garder une certaine atmosphère de fraîcheur) et chauffé en hiver. On évitera d’entasser plus d’enfants que ses murs n’en peuvent normalement contenir.

Lors de la séance d’avis, les enfants se placeront en demi-cercle ou en U

Il s’agit de disposer convenablement son petit auditoire. Dans les groupes peu importants, si cela est possible, les enfants seront assis sur des chaises, grâce à leurs dossiers, elles présentent sur les bancs l’avantage d’être moins qu’eux une cause de fatigue. Dans les groupes importants, il est nécessaire d’utiliser les bancs, veiller alors à les espacer suffisamment ainsi qu’à ne pas les surcharger : chaque enfant doit avoir sa place. La disposition des bancs ou des chaises peut être variable. Si le grand nombre des enfants exige la disposition par rangées horizontales, veiller à ce que ceux-ci soient placés en quinconce afin qu’ils puissent regarder facilement le dirigeant. Préférable sera, chaque fois qu’il sera possible de la réaliser, la disposition en demi-cercle où en carré ouvert (en « u ») sur un côté. Bancs ou chaises devront être préparés lorsqu’en ordre, équipe par équipe, ayant déposé leurs affaires, les enfants pénétreront dans la salle. Ce sera l’une des tâches de l’équipe de, service qui, de ce fait, sera dispensée du rassemblement précédant la séance d’avis. Ce sera le rôle du chef de cette équipe de diriger le travail de ses équipiers, le dirigeant lui ayant montré comment procéder à ce rangement. 

Le responsable du patronage se placera face aux enfants

Le dirigeant se placera face aux enfants, légèrement en arrière. S’il était trop près des premiers rangs (cet inconvénient n’existe pas avec la disposition en demi-cercle), les enfants pour l’écouter (se rappeler que les enfants « écoutent autant avec leurs yeux qu’avec leurs oreilles) seraient obligés de lever la tête. Cette position causerait vite une lassitude chez eux, ils finiraient par baisser la tête et ne plus écouter. Notons également que le dirigeant ne doit pas être placé derrière une table comme un professeur qui donne son cours, mais que rien ne doit dresser de barrière entre son auditoire et lui. Il doit aussi pouvoir évoluer assez librement s’approcher des enfants, mimer tel ou tel fait de l’histoire qu’il est en train de narrer, etc.

Adapter son discours aux âges des enfants et le fragmenter selon les activités de la journée

Enfin, comme il s’agit de parler à des enfants, par conséquent de leur tenir un langage adapté à leur âge, ici autant et peut-être plus que dans les jeux se pose la question de la division en catégories. Les avis, les histoires ne seront pas les mêmes ou ne seront pas présentés de manière identique aux petits, moyens et grands. Parfois, évidemment le trop petit nombre des enfants ne permettra pas cette division, le dirigeant veillera alors à alterner ses avis pour les mettre tantôt à la portée des petits, tantôt à celle des plus grands. Pour les facilités de l’exposé, il est nécessaire de fragmenter et de classifier les diverses activités de la séance d’avis, étant bien entendu que l’ordre adopté n’a rien d’absolu et peut être varié si besoin est.

Première étape de la séance d’avis avec la critique de la journée.

C’est une des activités les plus importantes. Au cours des jeux, des rassem­blements, de la marche en rang, des chants de route, etc. l’aumônier et le diri­geant auront soigneusement observé et noté les efforts faits depuis la dernière fois et les points qui laissent encore à désirer. A la séance d’avis, ils vont en faire la critique afin que les enfants en tirent le plus grand parti possible. « Il faut battre le fer tant qu’il est chaud ».

Quelques principes premiers permettront le rendement maximum de cette critique.

Tout d’abord, les enfants, une fois installés à leur place, ont naturellement tendance à bavarder, à remuer. Un cri collectif, ou un coup de sifflet, permet­tront au dirigeant d’obtenir le silence. Il pourra également, s’il est entendu que dans la salle on se tait, regarder ostensiblement et tranquillement sa montre et annoncer sans élever la voix, dès que les enfants se sont tous tus : « Deux minutes pour vous taire, cela fait tant de minutes de moins pour l’histoire ». La mise de l’index sur les lèvres pourra également être un signal de silence. Parfois, surtout si la pluie a confiné les enfants presque tout l’après-midi au local, ils seront passablement énervés et il importe de les détendre par « un chahut organisé », un ban comportant des cris et des mouvements des bras et des jambes, etc. En tout cas, ne commencer la critique que lorsque le silence sera total.

Lors de cette critique, saluer les efforts faits

En aucun cas, on ne laissera les enfants sur une impression fâcheuse, sur un point négatif, mais tou­jours sur la perspective d’un effort à atteindre au cours de la semaine. On commencera donc par souligner les efforts faits depuis la dernière fois de façon humoristique et en utilisant les méthodes actives. Ne pas craindre de demander l’avis des enfants, d’organiser en cinq minutes un petit concours inter­équipes pour constater quelle est I’équipe qui aura le mieux dégagé l’impression générale de la journée.

Faire deviner aux enfants les points défectueux

Ensuite, faire deviner aux enfants les points défectueux, les souligner, tou­jours de manière à les faire retenir. Par exemple, durant les jeux, nombre de dis­putes se sont produites ; faire trouver aux enfants que c’est contraire à la Loi de Charité. Sans jamais faire de personnalité, on fera pousser un hou d’horreur pour « Boutaki » – un personnage imaginaire qui représente le mal – qui a encore montré son vilain nez dans le patro. Inventer avec les enfants un ban ou un slogan que l’on poussera tous ensemble chaque fois que se produira désormais une dispute. Faire acclamer la Charité, etc.

Prendre une résolution pour la fois suivante

Ensuite, dégager le point essentiel sur lequel les efforts devront se porter la prochaine fois. N’en point indiquer plusieurs, mais que les enfants prennent collectivement une résolution concrète qu’au début du prochain patronage on fera répéter, qui sera affichée au panneau d’affichage sous forme de consigne, d’affiche, de point de concours inter-équipes, etc. Il pourra arriver que la journée, dans son ensemble, ait marqué une baisse. Ne soudez alors jamais la collectivité entre vous par des remarques dans le genre de celle-ci : « Vous avez tous été absolument insupportables, si vous continuez on ne fera jamais rien avec vous ». On laissera toujours entendre que quelques-uns ne méritent pas la réprimande générale et que certains ont fait de réels efforts. Ou encore, si tout le patronage a été défaillant, le dirigeant s’incl­uera lui-même dans la collectivité, sous forme d’un examen de conscience. « Aujourd’hui, nous n’avons pas été des gars à la hauteur. » Jamais une personnalité ne sera faite devant tous et le dirigeant présentera la critique de manière à éviter que les garçons se retournent vers tel ou tel de leur camarade. Si une faute a eté manifeste, il vaut mieux dans la plupart des cas, voir le délinquant à part et n’y faire aucune allusion (ou seulement une allusion très discrète) au cours de la séance d’avis.

Des avis donnés par le responsable du patro ou par les enfants eux-mêmes

Certains avis seront donnés par le dirigeant, d’autres par les enfants eux­-mêmes. S’agit-il de tenir le groupe régulièrement au courant de la vente et de la dif­fusion de “Cœurs Vaillants » ? C’est au chef d’équipe ou à l’enfant chargé de la propagande que le dirigeant donnera la parole. Il donnera les avis nécessaires à ce sujet, donnera les points gagnés pour la vente par chaque équipe, annoncera une grande réunion de propagande avec les parents. Si besoin est, le dirigeant fera répéter par tous les enfants les idées principales.

S’il s’agit d’annoncer une prochaine séance de cinéma ou l’achat d’un nouveau jeu, etc., ce sera le préposé aux « loisirs » qui le fera.

L’aumônier ou le dirigeant pourront également continuer à ce moment-là l’explication de la loi Cœurs Vaillants, de l’Evangile du dimanche suivant, car il est utile qu’il y ait à chaque séance d’avis une formation chrétienne suivie. Celle-ci pourra d’ailleurs se placer dans le petit mot dit par l’aumônier avant de faire réciter la prière du soir.

Chants, ovations, etc. pour la bonne ambiance lors de la séance d’avis

On entrecoupera la séance d’avis de chants, d’applaudissements ou d’ovations, qui détendront l’atten­tion des enfants et éviteront que, fatigués, ils commencent à se dissiper. Il serait bon que chaque fois un chant nouveau soit appris qui enrichit le répertoire ; souvent trop limité et trop pauvre, des patronages. On choisira des chants entraînants et de bon goût s’il s’agit de chants de route. Les enfants ouvriront tous leurs petits carnets de chants à la page indi­quée et tous ensemble, à haute voix, feront la lecture du chant à apprendre. Le dirigeant expliquera le sens des paroles si besoin est. Puis, il chantera seul le refrain, ou le premier couplet, une ou deux fois si nécessaire. Il reprendra la pre­mière phrase du refrain et la fera chanter par les enfants. Puis, la seconde, etc …• corrigeant les erreurs de tonalité au fur et à mesure et faisant reprendre les pas­sages plus difficiles. Quand chaque phrase aura été chantée, il fera reprendre l’ensemble. Il peut organiser un concours de rapidité entre les enfants, divisés en deux chœurs.

Le chant au patronage est un excellent moyen pour renforcer, en l’exprimant, l’âme collective du groupe. C’est d’ailleurs un sujet d’une importance suffisante pour faire l’objet d’un article.

On utilisera largement aussi les ovations, de préférence avec des refrains que l’on composera avec les enfants et se rapportant à la vie du patronage. On fera pousser un hourra chaque fois que l’on s’apercevra que les enfants commencent à se lasser un peu.

Les avis et consignes auront été donnés et les enfants sont maintenant tout yeux et tout oreilles pour le dirigeant qui vient de prendre un air mystérieux. L’heure de l’histoire (lien) vient de sonner, l’histoire que les enfants attendent avec impatience et grâce à laquelle l’éducateur peut leur faire passer nombre d’avis et d’idées. C’est un sujet si important tant par le choix qui doit être fait des his­toires que par la manière de les conter qu’il fera l’objet du prochain article.

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