Beaucoup d’âmes, même vertueuses, ne font pas les progrès qu’elles devraient faire, et n’ont pas le « rayonnement » qu’elles devraient avoir, parce qu’elles ne savent pas se maintenir en état habituel de « bonne humeur ». D’où la nécessité d’une éducation de la joie intérieure. Pourquoi maintenir la bonne humeur dans notre âme ? Parce que nous le devons à Dieu, à nous-mêmes, aux autres. C’est pour Dieu un hommage à lui rendre, c’est pour nous un besoin, et une force, c’est auprès des autres une condition de succès dans l’éducation et l’apostolat. Voici quelques extraits de l’opuscule « La bonne humeur » écrit par l’Abbé Gaston Courtois.

La bonne humeur est une façon de rendre hommage à Dieu qui est notre Créateur, notre Bienfaiteur, notre Père.

Il est notre Créateur. Il veut être servi gaiement : “Hilarem datorem diligit Deus” (Corinthiens II, IX, 7). Sans doute, le temps que nous passons sur terre est un temps d’épreuves, mais, précisément, si, au milieu de ces épreuves de la vie quotidienne, nous savons maintenir « quand même » la joie dans notre cœur, nous donnons à la Providence la plus grande marque de confiance, car nous reconnaissons par là qu’elle sait mieux que nous ce qui nous convient. « La joie, dit le R.P. Bernadot est un culte à rendre à Dieu. Dans la perpétuelle épreuve et la persécution, l’Eglise, type sublime de l’âme, ne cesse de se réjouir. Sa liturgie est une fête chaque jour renaissante ». Le chrétien, fils de l’Eglise, doit lui aussi vivre sa joie et être « semeur de joie ». Aussi, Dieu est-il notre Bienfaiteur. Et c’est pour nous une autre raison d’être joyeux, car rien ne réjouit le cœur d’un bienfaiteur comme de voir heureux ceux qu’il oblige. Dieu est notre Père. Rien ne déshonore plus un père que la tristesse de ses enfants ; rien ne le glorifie davantage que leur joie.

La bonne humeur est pour nous un besoin et une force

Sans la joie, l’âme est comme une terre sans chaleur et sans soleil. Cette vérité explique deux choses : L’acharnement avec lequel le démon l’attaque en nous et l’obligation où nous sommes de la défendre com­me on défendrait un trésor. Saint François d’Assise disait : « C’est uni porteur de poussière, que le diable, et toutes les fois qu’il le peut, il jette cette poussière par les ouvertures de l’âme afin, de troubler la limpidité de ses pensées et la pureté de ses actions ». « Si la joie sait se défendre et subsister, le « Malin » en est pour son, « venin », mais si le serviteur du Christ devient chagrin, le diable est sûr de triompher. Tôt ou tard, cette âme désarmée sera déprimée et anéantie dans sa tristesse, ou bien alors, elle cherchera les fausses consolations ». En effet, la bonne humeur est une des meilleures sauvegardes contre toutes les tentations.

bonne humeur

« La bonne humeur est l’atmosphère naturelle des vertus héroïques »

Cette phrase a été écrite par Mgr Keppler, dans son livre : « Je ne connais pas de meilleur remède contre la tentation la plus obsédante que la bonne humeur, encore la bonne humeur, toujours la bonne humeur. » De fait, une âme joyeuse se trouve mieux disposée à la pratique de la générosité, du sacrifice, de la charité, etc. Elle se laisse moins impressionner par la vue de l’effort à faire ou de la difficulté à vaincre. Elle prend spontanément la méthode de Jeanne d’Arc : « Je disais à mes gens : entrez hardiment parmi les Anglais, et j’y entrai moi-même. » La bonne humeur double les énergies d’une âme et lui donne un élan irrésistible. A la fin de son roman La femme pauvre, Léon Bloy fait dire à Clotilde : « Il n’y a qu’une tristesse ici-bas, c’est de ne pas être des saints. » Soit, mais ce n’est pas en étant triste qu’on arrivera à le devenir. « Un saint triste est un triste saint », disait saint François de Sales.

Elle assure le succès dans le travail et les affaires 

  1. Grâce à elle, on sent moins la fatigue et on supporte mieux les contradictions, les imprévus, les contrariétés.
  2. Grâce à elle, l’esprit est plus lucide, la pensée plus claire, l’âme plus sereine.
  3. Ce qu’on fait avec bonne humeur est toujours mieux fait.
  4. Elle attire les sympathies, inspire la confiance, facilite les relations polies, aisées, amicales avec tous, même avec les personnes les moins bien disposées à notre égard.

La bonne humeur est utile, même à la santé. 

Le moral influe sur le physique. L’humeur chagrine déprime physiquement et peut, à la longue, avoir une répercussion funeste sur l’organisme. Au contraire, la bonne humeur, d’après le témoignage des médecins, détend les muscles, active la circulation, accélère la respiration et, chez les mala­des, elle contribue puissamment à la guérison et abrège la convalescence : « Modération, calme et bonne humeur, ferment la porte au nez du docteur. »

La bonne humeur est une condition de succès dans l’éducation et l’apostolat 

Dans l’éducation, d’abord. Toute jeune fille doit se préparer dès son adolescence à son futur rôle d’édu­catrice. – Or, s’il y a en matière d’éducation un apprentissage qui s’impose, c’est celui de la bonne humeur. Faire œuvre d’éducation, en effet, consiste à déga­ger dans une âme tout ce qu’il y a de bon et à le faire grandir. Or, les progrès seront d’autant plus rapides qu’ils seront accomplis dans une atmosphère de bon­ne humeur, car ce qui entre dans le cœur à la faveur d’un rayon de joie s’y grave bien mieux. La joie facilite les efforts généreux et fait accep­ter gaiement même le mal qu’il faut se donner pour vaincre. Le vice revêt assez d’attraits ! Si l’éducateur veut faire œuvre durable, il faut qu’il s’applique à rendre la vertu aimable et qu’il s’arrange pour que l’enfant trouve « comme du plaisir » à devenir meilleur.

Faire grandir les vertus davantage qu’enlever les défauts

Il n’y a pas de véritable éducation sans une certaine dose d’optimisme, donc de bonne humeur. Le vrai travail du jardinier, en effet, ne consiste pas tant à arracher les mauvaises herbes qu’à faire pousser les plantes utiles : la vraie méthode d’éducation ne consiste pas tant à enlever les défauts qu’à faire grandir les vertus. Pour cela, il faut montrer à ceux qu’on veut con­duire dans la voie du bien non pas le tableau (sou­vent attristant) de ce qu’ils sont, mais le tableau séduisant de ce qu’ils pourraient être s’ils le vou­laient, et c’est alors qu’interviennent la bonne hu­meur et l’optimisme de l’éducateur, qui ont pour principal effet de tendre la volonté de l’âme à édu­quer et de lui faire donner son maximum de ren­dement. C’est un fait : un éducateur qui sait faire épanouir les visages autour de lui, qui relève à propos les actes de bonne volonté, qui fait toucher du doigt les qua­lités à acquérir, aura toujours plus d’influence que celui qui commande d’un air triste ou chagrin et qui n’a sur les lèvres que des mots de reproche. De plus, pour réussir dans l’éducation, il im­porte d’avoir beaucoup de calme et de continuité. (lien) Or, ces deux qualités sont souvent difficiles à con­server. S’il n’y a pas la bonne humeur pour les main­tenir, il se produira fatalement des contradictions dans la manière d’agir et des moments d’énervement, qui compromettront l’œuvre éducatrice.

Les hommes vont à ceux qui annoncent le bonheur.

Dans l’aopstolat, il est inutile de chercher à faire du bien aux autres, si on a un air triste et une figure maussade. Le chrétien, qui veut éclairer les esprits et réchauffer les cœurs, doit être comme un rayon de soleil, un « semeur de joie ». – Selon le mot de Dom Guéranger, « être Alleluïa de la tête aux pieds ». Le messager d’une bonne nouvelle n’a pas le droit d’être triste, sinon ce serait une contradiction vivante. Or, l’apôtre est le messager de l’Evangile, et le mot « Evangile » veut dire « Bonne nouvelle ». La première fois que Notre-Seigneur a ouvert la bouche, ce fut pour annoncer le bonheur : « Beati … Bienheureux … » (sermon sur la montagne : Saint Mathieu, V, 3, 11 et Saint Luc, VI, 20, 22.)

« Dieu reprochera à beaucoup de chrétiens leur tristesse, dit Mgr Gay, parce que cette tristesse donne une fausse idée de la religion ». Aussi Voltaire résumait-il son programme par ces mots : « Si nous voulons tuer la religion, arrangeons-nous pour en faire un hibou ». 

Quelques citations d’Elisabeth Leseur

Au contraire, Elisabeth Leseur, qui avait parfaitement compris l’action apostolique de la bonne humeur, prenait les résolutions suivantes : « Par la sérénité que je veux acquérir, je prouverai que la vie chrétienne est belle, et qu’elle apporte la joie avec elle » (p. 62 de sa vie). ; « En vue d’un bien plus grand, d’une fin plus haute, veiller même sur mon attitude, sur ma toilette, me faire « séduisante » pour le bon Dieu. Rendre mon foyer attrayant, en faire un centre d’influences bonnes et salutaires » (p. 147 de sa vie). « Que jamais une âme ne s’éloigne découragée de la mienne parce que les agitations et les complications humaines lui en auraient caché les abords. Que mon âme se fasse souriante à tous, ainsi que mes lèvres ; et que votre Verbe, mon Dieu, inspire mon humble verbe et lui donne la fécondité. » (p. 119 de sa vie). Enfin une citation du révérend père Foch, jésuite et frère du maréchal : « Quoiqu’on entreprenne pour Dieu, pour soi-même, pour les autres, rien ne réussit bien que ce que l’on fait avec joie. »

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